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Le site de l'association COEUR: Comité OEcuménique d'Unité chrétienne pour la Repentance envers le peuple juif. |
L’ALLIANCE
DE DIEU Joël
Putois Quand je
vois tes cieux, œuvre de tes doigts, la lune et les étoiles que tu as fixées,
qu’est donc l’homme pour que tu penses à lui, l’être humain pour que tu t’en
soucies ? (Psaume 8.
4 à 6) SOMMAIRE
Premiers
Développements : l’Alliance-Contrat
L’Alliance-Pardon : retrouvailles par étapes Le schisme chrétien La lente et tardive
découverte des solidarités La reconnaissance des
vocations respectives et spécifiques Réconciliation : une nécessité planétaire ————————————————————– Premiers
Développements :
l’Alliance-Contrat
Tout le mystère de la Création est évoqué en
ces quelques lignes. Au sein du Cosmos, que notre intelligence ni nos yeux, ni
même nos technologies modernes d’observation ne peuvent sonder, la planète
Terre n’est qu’un infime grain de poussière. Et sur celui-ci , de la substance
de celui-ci peut-on dire, a été formé l’Homme. De sa substance et du Souffle de
Quelqu’un a été formé cet Homme. Il est donc par origine et essence,
consubstantiel à ce Quelqu’un-Créateur, avant et sans Qui rien n’Est , n’a été
et ne sera. Donc créature, mais
créature incomparable à toute autre, puisqu’il incorpore en son ‘’être’’ le
souffle fécondant du Créateur lui-même. Il « Est », élément essentiel
et finalité de cette Création, « Projet Vivant », « image
vivante et comme ressemblance» de ce Créateur (Genèse 1. 26). Si son origine est exceptionnelle, si son
parcours est accompagné, dit le Psaume, de la pensée et même du souci du
Créateur, c’est parce que sa fin, sa finalité, son accomplissement ultime
sont également d’une qualité exceptionnelle, d’un genre unique. A vues
humaines, ce pourrait être un motif d’orgueil pour l’Homme d’être qualifié par
le Psalmiste de « presqu’un dieu », mais combien plus encore
d’être appelé, dans d’autres Psaumes et par nombre de Prophètes : « enfant
de Dieu ». Toute la Bible m’apparaît comme l’itinéraire tracé devant
les pas de cet « enfant » promis à une « couronne de
gloire et d’éclat », c’est encore notre Psaume 8 qui le dit. L’Homme est donc né du Créateur, en est
temporairement séparé pour l’exercice de sa liberté-responsabilité et de sa
mission que la Bible évoque au livre de la Genèse : ‘’ Il n’y avait encore sur la terre aucun arbuste
des champs et aucune herbe des
champs n’avait encore germé, car le Seigneur Dieu n’avait pas fait
pleuvoir sur la terre et il n’y avait pas d’homme pour cultiver le sol …’’ ‘’ Le Seigneur Dieu modela l’homme avec de
la poussière prise du sol’’. (Genèse
2.5-7) Telle est
la Création au soir du Sixième Jour. Tous les éléments-principes du
Projet divin sont en place : ciel et terre, lumière, astres, eaux,
végétaux, animaux des champs et oiseaux du ciel etc. et, en dernier lieu, comme
clé de voûte dudit Projet, l’Homme. Alors, Dieu contemplant son œuvre se
déclare à Lui-même que : ‘’ Voilà, c’était très bon …’’ (Genèse 1. 31) Oui, ‘’très bon’’, mais pas encore
‘’opérationnel’’, pour user d’un terme familier. A ce stade, l’Homme est, comme
les animaux, modelé de la poussière du sol et reçoit souffle de
vie-respiration-conscience (nefesh-haïa). Mais l’Homme n’est pas conçu
comme un animal de plus. Comme indiqué plus haut, seul parmi toutes les
créatures, il est doté par Dieu d’un don supplémentaire. L’Eternel, en effet
:
‘’ …insuffla dans ses narines l’haleine de vie et l’homme
devint un être vivant’’ (Genèse
2. 7) Il ne s’agit plus seulement d’un
souffle-respiration-conscience d’ordre végétatif et psychique (nefesh),
comme les (autres) animaux, mais d’une ‘’haleine de vie’’ divine (neshamah),
qui, à la fois, assure la prééminence de l’Homme vis à vis de tout le reste de la
Création et le préserve de la mort. Car seul l’Homme est créé ‘’à l’image et
comme à la ressemblance de Dieu’’ . De plus il est invité par le Créateur à
manger de « l’arbre de vie » qui lui permet de vivre éternellement. Don gratuit et unique ? Oui, bien sûr, mais don en vue d’une mission
elle-aussi exceptionnelle au sein de l’ensemble de cette Création : ‘’ Le Seigneur Dieu prit l’homme et l’établit dans
le jardin de l’Eden pour cultiver le jardin et le garder … Le Seigneur Dieu
modela du sol toute bête des champs et tout oiseau du ciel qu’il amena à
l’homme pour voir comment il les désignerait …’’ (Genèse
2. 15 et 19) Mission considérable
‘’d’accomplissement’’ de ce que le Créateur n’a réalisé qu’au stade des
principes (bereshit) et confie désormais aux soins de l’Homme : -
Cultiver le Jardin, c’est
à dire en faire apparaître les fruits, qui existent dans la pensée divine, mais
ne ‘’sont’’ pas encore ‘’accomplis’’. -
Garder ce jardin. Étonnante précision,
qu’éclaire sans doute le texte. Le verbe employé est « shamar »
qui signifie à la fois : garder, conserver, veiller sur, surveiller,
prendre soin de … prendre la défense de … C’est l’office du berger vis à vis de
son troupeau, assurer sa vie, sa survie. Cela impliquerait qu’il existe
alentour un risque, un danger, une menace latente, contre lesquels le berger
doit défendre ce troupeau … La suite du récit de la Genèse montre que ceci
n’est pas une illusion ! -
Nommer les animaux. Au
sens biblique du terme, donner un ‘’nom’’, c’est définir la place et le rôle
d’un être dans le Plan Divin, ce n’est pas du tout attribuer à cet être une
étiquette quelconque. C’est pourquoi Dieu n’a et ne peut recevoir de ‘’nom’’.
Personne ne peut définir quoi que ce soit de Dieu. Concernant les animaux, la
fonction de l’Homme, ainsi comprise apparaît là aussi d’une envergure
considérable. Il est
bien certain, dans ces conditions, que l’Homme-Adam est, en l’espèce, ‘’chargé
de mission’’, ‘’intendant’’, ‘’fondé de pouvoir’’ du Créateur, pour
employer un vocabulaire profane. Le tout est confié aux soins de l’Homme, de
son intelligence et de sa liberté, conçues à l’image et comme à la ressemblance
de celles du Créateur Lui-même. Car c’est le Projet Divin qui doit être
‘’accompli’’ et non une quelconque fantaisie humaine. C’est donc un « partenariat », et
pourquoi ne pas dire une
« alliance » qui est implicite entre le Créateur et l’Homme, dès ces
premiers chapitres de la Bible, avec tout ce que comporte ce genre de relation.
Il y a, de la part de chacun des partenaires ou alliés, des apports, des
obligations, conditions et droits spécifiques et réciproques, comme aussi des
sanctions éventuelles en cas de manquements… Notamment, l’Éternel avertit l’Adam que
s’il mange de « l’arbre de la connaissance du bien et du mal », il mourra. Ne nous éternisons pas sur ces premiers
développements de « l’Alliance » entre Dieu et l’Homme. Nous
savons ce qu’il est advenu du comportement et du sort d’Adam et d’Ève. Ils
avaient été prévenus par les termes même du ‘’contrat’’ d’Alliance : si
vous transgressez en matière de ‘’connaissance’’ du bien et du mal, alors
vous ‘’connaîtrez’’ la mort … Nous ‘’connaissons’’ encore aujourd’hui,
humainement parlant, les effets de l’application de ce ‘’contrat d’alliance
originel’’. L’Alliance-Pardon :
Retrouvailles par étapes
Mais, le Créateur, lui, n’a pas rompu
l’Alliance, ni avec le premier couple, ni avec leurs descendants. Le récit
biblique peut être vu comme l’histoire des Alliances multiples, successives et
« une » entre Dieu et les fils d’Adam au long des âges. Histoire
pleine de péripéties, de bénédictions et d’accidents liés aux risques et périls
de la liberté humaine. Les étapes sont bien connues : Hénoch, Noé,
Abraham, les Patriarches, Moïse et la mise en forme détaillée de l’Alliance au
pied du Sinaï, puis les appels et rappels à l’ordre effectués par les
Prophètes. A chaque étape, les modalités de l’Alliance sont adaptées en
fonction des contextes historiques du moment, de la maturation spirituelle du
Peuple de l’Alliance, qui est à la fois « mis à part » (c’est le sens
premier de l’Élection) pour vivre lui-même sa Loi et qui est aussi mandaté pour
ouvrir et apporter aux Nations de la terre entière les « Promesses »
vécues et véhiculées depuis Abraham. Les Chrétiens savent que cette adaptation
des modalités de l’Alliance s’est poursuivi et transfiguré en Jésus de Nazareth
né sous la Loi d’Israël, comme le dit St Paul (Galates 4.4), c’est-à-dire dans
cette même Alliance. Celle-ci connaît
alors un renouvellement de son
expression, une extension de son champ d’application terrestre (à toutes
les nations) et de ses perspectives eschatologiques au-delà de toute
imagination humaine. Le tout a été considéré souvent par les contemporains
comme une chaîne de novations étranges, voire scandaleuses. Mais toutes avaient
été esquissées en leurs temps par divers Prophètes, Isaïe, Jérémie, Ézéchiel,
etc. Le premier soin de Jésus fut de la
rappeler et de le concrétiser. Et la liste des Alliances successives et
Une n’est pas close. Juifs et Chrétiens depuis 2000 ans se sont séparés par
compréhension différente, que seules les passions et blessures de l’histoire
font apparaître comme incompatibles, de ce que sont ces renouvellements
multiples de « l’Alliance » et de ce que peuvent être ces marges de
novations possibles dans la fidélité. Or, Juifs et Chrétiens ont été avertis,
chacun dans leur tradition propre, que nous n’en sommes nullement au stade
ultime de la dite Alliance dans le Plan Divin. Jérémie, par exemple, a annoncé
en son temps de la part de l’Éternel : ‘’ Des jours viennent, oracle du Seigneur, où je
conclurai avec la communauté d’Israël et la communauté de Juda une nouvelle alliance. Elle sera différente
de l’alliance que j’ai conclue avec leurs pères quand je les ai pris par la
main pour les faire sortir du pays d’Égypte. Eux, ils ont rompu mon alliance,
mais moi, je reste le maître chez eux, oracle du Seigneur. Voici donc
l’alliance que je conclurai avec la
communauté d’Israël après ces jours-là, oracle du Seigneur : je déposerai
mes directives au fond d’eux-mêmes, les inscrivant dans leur être. Je
deviendrai Dieu pour eux et eux, ils deviendront un peuple pour moi’’ (Jérémie 31. 31-33) Il est donc déraisonnable de la part des
Juifs aussi bien que des Chrétiens, tous héritiers de traditions infiniment
respectables, de se considérer mutuellement comme les tenants de deux religions
différentes et non simplement comme les participants de deux courants
diversifiant la compréhension et la finalité d’une même Alliance. La
diversification est légitime et à maints égards positive, source et fruit de
vitalité. Le morcellement, non. Il y a bien moins de distance entre
l’enseignement de Saint Paul et celui des Maîtres d’Israël de l’époque, qu’il
n’en apparaissait par exemple entre les sectateurs de Qumran et les Autorités
du Temple. Bien des penseurs Juifs d’aujourd’hui commencent à le découvrir,
sans que le Judaïsme, globalement, puisse encore en tirer toutes les
conséquences. Notamment, il n’est plus possible, les textes étant ce qu’ils
sont, de continuer, comme cela est fait depuis tant de siècles, à juger
l’Apôtre des Gentils comme le grand responsable de ce qui est souvent qualifié
par le Judaïsme de « schisme chrétien des origines». Le
schisme chrétien
Le schisme, et ce fut hélas plus qu’un
schisme, est intervenu plus tard, lorsque l’élément juif dans l’Église a été
progressivement réduit au silence par la majorité de culture grecque. Le
message de Jésus a été alors lu et interprété selon les lignes de force de la
culture hellénistique. Alors, la séparation entre Juifs et Chrétiens, surtout
événementielle au départ est devenue
théologique avec, au long des siècles de chrétienté, les conséquences que nous savons. Le fossé ainsi créé s’est traduit par l’inversion
dans l’Église de certains enseignements fondamentaux de Paul concernant la
relation entre l’Alliance renouvelée en Jésus Christ et la Première Alliance.
On se rappelle l’image célèbre, avec valeur de mise en garde, proposée par Paul
aux Chrétiens de Rome, pour la plupart issus du paganisme : ‘’ …si quelques-unes des branches ont été
coupées, tandis que toi, olivier sauvage, tu as été greffé parmi les
branches de l’olivier pour avoir part
avec elles à la richesse de la racine, ne va pas faire le fier aux dépens des
branches… Ce n’est pas toi qui portes
la racine, mais c’est la racine qui te porte …’’ (Romains
11. 17-18) Bien sûr, pour Paul, l’olivier, c’est
l’olivier franc, Israël et l’olivier sauvage est le païen rallié à Jésus Christ
et admis dans l’Alliance par grâce
divine gratuite, qui l’oblige à humilité… Au milieu du deuxième siècle, Irénée, évêque de Lyon, natif
d’Asie Mineure et de culture grecque, a donné lui-aussi une image agricole
concernant la Loi et la relation entre les Alliances : ‘’ Le sarment n’est pas pour lui-même, mais
pour la grappe qui pousse sur lui, si bien que lorsqu’elle est mûre, on laisse
et on rejette ce qui n’est plus utile désormais …’’ (Irénée : Adversus hoereses IV 4, 1-3) L’enseignement d’Irénée est donc
diamétralement inverse de celui de Paul. Il comporte le verbe
«rejeter » et contribuera à asseoir les futures et pseudo-doctrines
chrétiennes du ‘’rejet’’ et de la ‘’substitution’’ … Dans la
même Épître aux Romains, juste après sa parabole sur l’olivier franc et la
greffe des rameaux d’olivier sauvage, l’apôtre Paul poursuit, en s’appuyant sur
Isaïe (59. 20-21 et 27. 9) : ‘’
L’endurcissement d’une partie d’Israël durera jusqu’à ce soit entré l’ensemble
des païens. Et ainsi tout Israël sera sauvé , comme il est écrit : de Sion
viendra le libérateur, du milieu de Jacob il ôtera les impiétés. Et voilà
quelle sera mon alliance avec eux quand j’enlèverai leurs péchés (Romains 11. 25 à 27) Nombreux
sont les Chrétiens de nos jours encore, comme jadis Irénée, qui négligent de
tenir compte de cet enseignement capital de Paul sur les desseins mystérieux de
Dieu à l’égard de son Peuple Élu : A l’approche de la fin des temps,
l’Alliance de l’Éternel avec Israël sera comme transfigurée en faveur de
celui-ci par une initiative divine spectaculaire et spécifique de miséricorde,
laquelle ‘’ôtera les impiétés du milieu de Jacob et enlèvera leurs péchés
…’’ Mais nous ne sommes plus aujourd’hui entre
Juifs et Chrétiens dans l’ambiance de l’âpre compétition religieuse de l’époque
d’Irénée. Nous sommes solidaires devant une humanité à la dérive. Pouvons-nous
ensemble dépassionner l’histoire, afin, non de gommer, mais de guérir les
mémoires en toute lucidité et humilité ?
Pouvons-nous lire les Textes en commun afin d’en exhumer les
perspectives enfouies souvent sous les habitudes de pensée
millénaires ? Pour le chrétien que
je suis, la lecture du Talmud, si partielle et maladroite soit-elle, est immensément instructive et
réconfortante. Sur tous les points-clés qui séparent les confessions juive et
chrétienne, la diversité des avis et enseignements émis par les auteurs juifs
est telle qu’il y a là matière à dédramatisation, à réduction de bien des
fractures. Car il y a là aussi source de compréhensions nouvelles. Certes, réciproquement, je m’efforce depuis
plusieurs décennies de lire le Nouveau Testament selon les concepts hébreux et
en me faisant perméable aux richesses de la foi juive, dont étaient
nourris ses rédacteurs et Jésus lui-même. Là aussi, sans que personne
n’ait, en un quelconque syncrétisme débonnaire, à composer avec l’essentiel de
sa foi, il me semble voir s’ouvrir d’immenses possibilités de dédramatisation
et d’établissement de passerelles. La tardive et lente découverte des solidarités
J’observe les évolutions positives
contemporaines, qui eussent semblé impensables il y a un siècle, et que la prise de conscience des horreurs de la
Shoah a sans doute amorcées : -
des Chrétiens en nombre
croissant découvrent les racines juives
de leur foi et en grande majorité les Églises Chrétiennes ont changé
radicalement leur état d’esprit et leur langage à l’égard de leur « frère
aîné dans la foi » au Dieu Un. -
de ce fait, les Juifs, en nombre également croissant, ne
sont plus arrêtés, comme ils l’étaient
précédemment, par les comportements chrétiens dans leur curiosité de
découvrir ce qu’est le Christianisme,
Beaucoup commencent à lire le Nouveau Testament et y voient un Jésus de
Nazareth Juif pieux … Il
n’est plus déraisonnable d’espérer que pourra s’établir peu à peu un climat
propice à l’ouverture d’un dialogue allant au fond de ce qui unit et sépare
Juifs et Chrétiens. Mais bien des étapes seront encore nécessaires avant que
les vocations et missions spécifiques des uns et des autres, puissent
apparaître clairement de part et d’autre. A l’aube dramatique de notre 21e.
siècle, l’urgence en apparaît cependant pressante : La Reconnaissance des
Vocations Respectives et Spécifiques
Pour ma part, la vocation juive dans le
monde d’aujourd’hui me semble immense, capitale et double : -
l’une universelle. Elle
est inscrite au livre de la Genèse, dans la seconde promesse faite à Abraham,
au bénéfice de toutes les ‘’familles de la terre’’. Sur 6 milliards d’habitants que compte cette planète-terre de nos
jours, près de 5 milliards n’ont pas spirituellement franchi leur Mer Rouge et
la majeure partie de la petite minorité, qui l’a traversée, est toujours prosternée devant les modernes
Veaux d’or… -
l’autre vis à vis des
Églises. Il faut à celles-ci l’aide de la sagesse-sainteté juive pour des
prises de conscience et de distance à l’égard de diverses infiltrations de
caractère idolâtrique ou gnostique très anciennes, notamment aux dépens de
l’absolue transcendance de Dieu. Le Père François Varillon disait il y a 40
ans : « Au moins 95 % des
catholiques croyants et pratiquants aujourd’hui pensent que Jésus est Dieu
caché sous une apparence humaine. Et si l’on croit cela, tout est faussé dans
la foi chrétienne… ». Si on croit cela, en effet, Jésus apparaît comme
un « avatar » divin comme le Krishna de la spiritualité hindoue et
non pas une incarnation de Dieu. Mais, je mesure l’ampleur de l’ascèse spirituelle,
qui sera nécessaire pour cela aux Juifs qui accepteront d’apporter ce genre de
concours aux Chrétiens, sans se laisser paralyser par la crainte d’y
compromettre leur particularisme. Cependant, l’enjeu est planétaire … ! Et la vocation chrétienne ? Je la vois multiple et complémentaire de celle du Peuple d’Israël : -
Elle est, bien sûr d’annoncer
la Bonne Nouvelle de Jésus Christ, celle du grand Pardon accordé par Dieu en
Jésus à tous les hommes de tous les temps, ce qui implique leur admission par
adoption dans l’Alliance. Celle-ci est Une en vertu de la fidélité de
l’Éternel et Multiple dans ses
manifestations humaines et historiques, selon la promesse de l’Éternel à
Abraham : ‘’ Voici
mon alliance avec toi : tu deviendras le père d’une multitude de nations.
On ne t’appellera plus du nom d’Abram, mais ton nom sera Abraham, car je te
donnerai de devenir le père d’une multitude de nations et je te rendrai fécond à l’extrême
…’’ (Genèse
17. 4-6) -
Mais, elle est aussi, en
réciprocité fraternelle, d’aider le Peuple Juif à prendre conscience de certains
aspects de sa mission que les péripéties dramatiques de son histoire l’ont
amené à perdre de vue. La lecture des enseignements de Léon Askénazi a
amplement mis en mouvement ma réflexion à cet égard. Dans son livre ‘’La
Parole et l’Ecrit’’ p. 334, il parle précisément des différentes
responsabilités qui incombent à Israël. Il distingue celle qui concerne la
manière de vivre la vie de tous les jours (hébreu : haï)
sous le regard de Dieu et celle qui vise ‘’l’exigence pour la fin des temps’’ (hébreu :
qets). Et il ajoute : ‘’ je veux dire par là que notre
messianité n’est pas sincère. Nous en parlons, mais en fait nous ne croyons pas
que notre devoir et notre responsabilité soient de faire que s’accomplisse le
sens de l’histoire. Nous sommes plutôt les hommes de l’élan de cette histoire, que de la réalisation de ce que nous avons projeté dans cet élan
…’’ C’est
précisément l’essentiel de la vocation chrétienne d’assumer l’ère des temps de
la fin que Jésus est venu initier. Il s’agit non pas de négliger les impératifs
de la vie présente (haï), comme la tentation en a été si forte,
et parfois si invincible, à de nombreuses périodes de l’histoire
chrétienne, mais de vivre dans la foi
et l’espérance ces temps de la fin (qets), temps de combats et
d’épreuves, qui constituent l’amorce douloureuse des temps messianiques. Ils
ont été amplement annoncés par Jésus (Matthieu 24) et comparés par l’apôtre
Paul à un enfantement dans les douleurs desquelles maintenant encore gémit la
création tout entière (Romains 8. 22). Et Jésus précise : ‘’
Celui qui tiendra bon jusqu’à la fin, celui-là sera sauvé’’ (Matthieu 24. 13) C’est
surtout parce que la Bonne Nouvelle en Jésus est principalement tendue vers cette attente de la venue en gloire
du Messie, laquelle verra l’accomplissement de l’histoire (qets),
que Paul a dispensé les pagano-chrétiens des observances de la Loi, qui visent
essentiellement la vie quotidienne (haï) du Peuple Juif. Mais, il faut être bien clair. Paternité d’une
multitude de nations et temps de la fin constituent un ensemble indissoluble
dans le Plan divin. Un Midrach dit que l’Eternel a proposé son Alliance aux 70
nations de l’humanité terrestre et que seul le Peuple Hébreu l’a acceptée au
Sinaï. Les millénaires ont passé sans que l’Eternel ne fasse son deuil de tous
les autres Peuples. L’ Apôtre Paul le rappelle et en donne l’épilogue de façon
saisissante : ‘’ Lorsqu’est
venu l’accomplissement du temps, Dieu a envoyé son Fils, né d’une femme et
assujetti à la Loi, pour payer la libération de ceux qui sont assujettis à la
Loi, pour qu’il nous soit donné d’être fils adoptifs. Fils, vous l’êtes bien …
Tu n’es donc plus esclave, mais fils et, comme fils tu es aussi héritier. C’est
l’œuvre de Dieu’’. (Galates
4. 4-7) La mission du Christ a été, à cet égard,
double :
C’est en vue de cela, en fin de compte,
qu’il a formé ses disciples et les a envoyés jusqu’aux extrémités de la terre.
Et cette fois, les « nations » sont venues en masse. Mais Jésus a
donné dans ce domaine deux enseignements-avertissements aux deux parties en
cause : -
aux « nations »,
il a recommandé l’humilité. Elles sont appelées à l’Alliance par pure grâce de
Dieu. A la femme Samaritaine rencontrée au puits de Jacob, préfiguration de ces
nations, Jésus a rappelé que « le salut vient des Juifs ».
Plus tard, Paul donnera le même avertissement aux Romains dans sa ‘’parabole’’,
mentionnée plus haut, de l’olivier
franc et des rameaux d’olivier sauvage, -
à ses frères Juifs,
Jésus a raconté la parabole du fils retrouvé et a dissuadé à l’avance le fils
aîné (Israël) de la tentation de rejeter jalousement le cadet pécheur, qui
rejoint la Maison du Père. Car ce Père miséricordieux n’avait jamais renoncé à
l’attendre. Le fils aîné, peut-être oui. Le cadet (nations) admis par grâce est
établi en position ‘’d’héritier’’. C’est l’image que Paul a proposé à la
méditation des Galates, comme indiqué ci-dessus. Il y revient souvent en
s’adressant à ses autres fils spirituels pagano-chrétiens pour les conforter
dans la foi. Mais il ajoute une précision capitale : ‘’ …Vous avez reçu un Esprit qui fait de vous des fils adoptifs …
enfants et donc héritiers de Dieu, co-héritiers de Christ …’’ (Romains
8. 15-17) ‘’ …les païens sont admis au même héritage,
membres du même corps, associés à la même promesse en Jésus Christ, par le
moyen de l’Evangile’’. (Ephésiens 3. 6) Oui, les païens admis dans
l’Alliance du Père, le sont comme ‘’fils
adoptifs’’ et ils le sont ‘’en
Jésus Christ’’. Ce n’est pas le même type d’Alliance que celle qui unit le
Peuple d’Israël à Dieu et qui est une Alliance directe et unique. Pour les
païens, c’est une relation-greffe qui passe par leur référence-foi
personnelle en Jésus Juif. C’est grâce à lui, Jésus, que la sève de l’olivier franc nourrit désormais chacun des
greffons sauvages. Si l’on coupe le pagano-chrétien de Jésus Juif ou si l’on
coupe Jésus de son enracinement plénier dans l’Alliance du Sinaï, il n’y a plus
qu’une illusion d’Alliance et le fils prodigue aura finalement fait retour dans
une autre maison que celle où l’attendait le Père … ! Il n’est pas besoin d’épiloguer longuement
sur ce thème et de rappeler que durant tant de siècles la foi chrétienne a été
définie par le magistère de l’Eglise et transmise en rupture de fait avec la référence juive authentique. Car la
référence pratiquée est passée durant de longs siècles décisifs par une
typologie réductrice et récupératrice… Dans l’esprit de bien des Chrétiens, les
données de leur foi seraient les mêmes, si Jésus et ses premiers disciples
avaient été des extra-terrestres … ! Réconciliation : Une nécessité planétaire pressante
Juifs et Chrétiens ont la mission, plus que
jamais au seuil du 21e. siècle, de se réconcilier sur trois plans complémentaires : 1- ensemble :
Face au monde païen qui a perdu tout repère sur tous les plans de la vie humaine, nous avons à témoigner
solidairement de nos « valeurs », qui sont les mêmes, 2- chacun
avec soi-même : le Juif doit se rappeler que tout au long de sa
tradition multi-millénaire l’Alliance est
dite multiple sans qu’elle apparaisse jamais morcelée. La prière de Rosh
haShanah loue Dieu pour les
Alliances avec Noé, Abraham, les Patriarches, Moïse. Puis elle
conclut : ‘’ Béni sois-tu,
Seigneur, qui te souviens de l’Alliance …’’ Car elle est multiple et Une, comme Dieu est Un et
Fidèle. Le Chrétien, lui, doit se faire à l’idée
que nombre de formulations de sa Foi, édifiées jadis dans l’ambiance d’un
anti-judaïsme passionnel, devenu peu à peu théologique et dogmatique, sont à
réconcilier aujourd’hui avec la racine juive. Et, qu’à cet égard un
‘’aggiornamento’’ en profondeur est nécessaire. 3- en se portant aide
mutuellement : pour un tel renouvellement de bien des formulations
de sa Foi, le Chrétien a besoin de l’aide de ses frères Juifs, Le Juif a besoin du Chrétien pour
réapprendre le témoignage ouvert du Dieu Un parmi les païens du monde, à
l’image de ces pharisiens de naguère qui franchissaient les mers pour faire des
prosélytes. Il va de soi qu’aujourd’hui, semblable mission se doit de prendre
des formes tout autres, mais l’urgence demeure pour la re-diffusion des valeurs
fondamentales inclues dans la Loi. Et le Judaïsme globalement doit pouvoir
s’appuyer sur la compréhension chrétienne d’un aspect capital de l’Alliance,
qui est au premier plan des promesses de l’Eternel à Abraham. C’est le lien
indissoluble d’Israël et de la terre qui lui a été confiée à jamais. Nul n’est
autorisé à en disposer autrement. Ceci n’exclut nullement un partage avec
« l’étranger » qui y habite aussi, mais pas dans n’importe quelle
condition, et surtout pas un partage
incluant Jérusalem comme une valeur négociable ... La paix du monde et le devenir de
l’humanité sont amplement et dramatiquement suspendus à nos solidarités. Joël
Putois |
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